J’ai rencontré un sage ( Monde des Religions )
J’ai désiré rencontrer un sage. Un être qui m’apprenne la joie véritable. Un être qui me porte vers une lumière qui dure. J’ai eu la grâce d’avoir un contact privilégié avec Vijayananda. Ce disciple de MA Anandamayi, une des plus grandes saintes que l’Inde ait porté, était considéré en Inde comme un Rishi, un instructeur de l’humanité, un homme-Dieu. Sachant cela, lorsque je suis arrivée à ses pieds dans l’ashram de MA à Kankhal, petit village aux pieds de l’Himalaya ; j’ai été étonnée, presque déçue par sa simplicité. Il avait quatre-vingt quinze ans, son corps d’ascète disparaissait sous sa robe orange et ses lèvres de silence étaient noyées dans sa barbe blanche. Assis sur une chaise en plastique, il écoutait les fidèles à ses pieds. Une telle humilité se dégageait de lui que j’aurai pu passer devant lui sans le voir si je n’avais été saisie par son regard. Des yeux lasers qui vous pénètrent, vous dévoilent et vous arrachent des larmes. Des yeux rieurs, tendres, mais fermes. Dix sept années de silence dans l’Himalaya, et une vie vouée à MA avaient façonné cet homme dans la lumière. Impressionnée, je rougissais. Il en riait. Dans la lignée de l’enseignement de MA, il disait que la joie nous approchait de Dieu. Il répétait : « Donner de la joie et du bonheur devrait être le but de nos actes. ». J’ai beaucoup pleuré auprès de lui. Car auprès d’un sage, les masques tombent, les résistances s’effondrent, ne reste alors que le cœur assoiffé de grâce, saisi par tant de bienveillance.
De nombreuses fois, j’ai voulu prendre la route, épuisée par sa puissance, révoltée contre Dieu, mais je restais auprès de lui, happée par une autre évidence. Je comprenais son message : chasse tes états d’âme, va plus haut si tu veux trouver la lumière. Chaque soir, à l’heure du Darshan, sa bénédiction qu’il donnait face au Samadhi (tombeau) de MA, il répondait à mes doutes sans que je lui en parle. Il posait sa main sous mon menton, souriait et disait : « Soyez simple. Quel que soit le chemin que vous empruntez, il faut rester souple, danser ! ». J’apprenais à danser avec mon âme, à méditer, à respirer pour la joie, à aimer.
Naïve, je pensais qu’avoir un contact aussi merveilleux avec un Rishi allait transformer ma vie en résolvant tous mes problèmes. Ce fut l’inverse. Pendant les trois années où je suis régulièrement venue le voir, ma vie fut sans dessus dessous. Quand je lui demandais d’intercéder pour moi auprès des anges, il me répondait « patience » ou bien : « C’est une grâce divine, la souffrance. Elle montre que le bonheur que vous cherchez est impermanent. Il va vous laisser dans le vide. » Ces épreuves ne me faisaient pas tant souffrir car il était à mes côtés, car j’avais la sensation qu’elles servaient un projet divin. Elles m’initiaient. Peut-être devais-je traverser ces tunnels pour connaître la vraie joie : celle qui ne dépend de rien d’autre que du souffle, de Dieu.
Il a quitté son corps en 2010. Mais ce qu’il a semé en moi continue d’éclore. Grâce à lui, je ne connais plus de douleur sans lumière.