Le Baal Shem Tov, Servir Dieu comme un volcan ( Monde des Religions )
Israël, fils d’Eliezer appelé plus tard le Baal-Shem-Tov (Maître du Nom) est un mystère. On dit qu’il est né en 1698 (ou 1700) à Okop petit village d’Ukraine, de parents pieux et pauvres qui sont morts trop tôt, laissant le petit orphelin aux soins de la communauté. En réalité, nous ne possédons aucun élément biographique sûr à son sujet. Les légendes qui le concernent se recoupent, s’éloignent, s’enrichissent les unes des autres, mais la seule certitude est la lumière qu’il a laissé en héritage. Il semble avoir voulu s’effacer lui-même pour que l’histoire ne garde que son message : Dieu est joie. Seules la prière joyeuse sincère et humble, la danse et la ferveur dans l’étude peuvent nous approcher de Dieu. Il est en tout, tout vient de Lui.
À une période où les juifs isolés et rejetés souffraient sans trouver de refuge dans une religion trop élitiste ; le Baal-Shem-Tov est venu apporter un souffle d’espoir, montrant que chacun pouvait atteindre Dieu par une foi totale. « Le cocher qui embrasse les rouleaux sacrés de le Torah plaît davantage à Dieu que les anges qui le louent et ne font que cela » disait-il. Il est devenu le fondateur du mouvement Hassidique toujours aussi vivant au sein de la communauté juive.
On dit qu’il fuyait l’école pour se réfugier dans les bois, on le prenait pour un simple d’esprit. Lui-même aimait se faire passer comme tel. Il aurait été tour à tour sacrificateur rituel, précepteur, gardien de la synagogue. Il marquait les esprits par sa bienveillance constante et la justesse de son regard. Touché par sa simplicité lumineuse, le Rabbin Ephraïm de Brody lui destina sa fille Hannah. Mais il mourut après avoir signé un papier qui gravait sa promesse. Quand Israël alla à Brody, habillé en paysan pauvre pour rencontrer Rabbi Gershon Pittiver le frère d’Hannah, celui-ci voulut lui donner l’aumône. Israël refusa son argent et lui demanda sa sœur. Face à la mine déconfite du rabbin, il montra le papier signé de leur père. Choqué que sa sœur épouse un homme en guenille, Gershon Pittiver conseilla à Hannah de refuser cette union. Mais elle voulut suivre la volonté de son père.
Le soir du mariage, Israël aurait confié à sa femme sa mission à venir, lui faisant jurer de ne rien dévoiler. Son beau frère, perturbé par la présence de cet homme qui pourrait ruiner sa réputation, lui proposa de s’éloigner avec Hannah dans une auberge dans les Carpates. Ravi de vivre à l’écart du monde, Israël aurait accepté. Selon une des versions de la légende, ils auraient vécu très pauvrement dans cet auberge où Israël aurait passé ses journées à méditer dans une cabane, descendant à l’auberge située juste en dessous de son repère à l’arrivée de visiteurs. La nature, premier refuge d’une âme éveillée.
Après sept ans de solitude et de pauvreté, Israël reçut l’ordre de se révéler. Un disciple de son beau frère se trouvait justement dans son auberge à ce moment là. Il fut réveillé en pleine nuit par une lumière aveuglante. Il se leva d’un bond, persuadé qu’un incendie allait ravager le logis. Mais en quittant sa couche, il s’aperçut qu’il s’agissait d’une lumière blanche qui entourait le Baal-Shem-Tov, emplissait la maison et rayonnait hors du foyer. Bouleversé par une telle incandescence, l’homme perdit connaissance. Quand il sortit de sa léthargie, aidé par le Baal-Shem, celui-ci lui dit : « On ne regarde pas ce qui ne vous est pas accordé ». De retour à Brody, le disciple de Gershon Pittiver fit le récit aux grands Rabbins de la communauté de ce qu’il venait de vivre. Il ajouta : « Une grande lumière est là, toute proche de vous. Il serait bon d’aller vous-mêmes la chercher afin de l’amener à la ville ». Ils partirent donc à la recherche du Baal-Shem qu’ils trouvèrent en chemin dans la forêt et le ramenèrent à Brody dans une chaise qu’ils construisirent avec des branches. Alors le maître leur fit partager le message de l’Enseignement sacré.
Subjugués par son rayonnement et les miracles qui se manifestaient à travers lui, les disciples furent incapables d’apporter des renseignements précis sur la vie qu’il menait. Seules la prière, la poésie ou la danse survivaient à son contact. La raison défaillait. Il fut énormément décrié par les rabbins, furieux de voir cet homme simplifier à ce point l’enseignement sacré pour le rendre accessible à tous. Mais beaucoup finissaient par s’incliner, fascinés par sa bienveillance, son bon sens et sa joie de vivre. A un rabbin trop strict avec ses disciples, il raconta : « alors que je voyageais dans un carrosse tiré par trois chevaux, j’étais étonné car aucun d’eux ne hennissait. Sur le chemin, un paysan me demanda de desserrer les rênes. J’obéis. Dès lors, les chevaux se mirent à hennir » Le Baal- Shem montrait ainsi que pour que l’âme vibre, il fallait la libérer. Trop étouffée par les contraintes elle se recroqueville.
Une rencontre avec lui était l’événement d’une vie. Il passait à son temps à traverser les villages, sans un sou pour répandre la lumière de Dieu sur les routes. Il répondait à l’appel d’un cœur en détresse, sans juger, sans condamner. Etre un baume sur les cœurs, telle était sa mission. Il disait que le chant valait plus que les paroles, la ferveur d’un cœur pur plus que la pensée. Il soutenait qu’une mélodie pouvait contenir toute la joie du monde et agir sur le destin.
Il demanda un jour à un de ses élèves s’il connaissait la science de la Kabbale. Celui-ci lui répondit qu’il le croyait. Alors le Maître lui tendit le livre Ets Haïm ( l’Arbre de vie) de Haïm Vital afin qu’il le commente. A la fin de l’exposé, le Baal-Shem resta silencieux. Inquiet, l’élève lui dit qu’il était prêt à écouter une autre explication, mais le maître répéta le commentaire mot à mot avec une telle ferveur qu’il semblait dire tout autre chose. Le Baal-Shem conclut : « Ton commentaire est bon, mais je dois dire qu’il y manque l’essentiel : l’âme, le feu qui l’éclairent et lui donnent signification »
L’histoire de ses nombreux miracles se répandait de village en village. Il voulait montrer aux hommes ces autres possibles qui veillent au cœur d’une vie, leur redonner espoir. Quand il priait, les graines endormies dans les paniers tremblaient. On disait que les franges de son manteau de prière étaient doués de vie propre et possédaient une âme. Car même la matière s’animait à son contact. Les paralysés se mettaient à marcher. Les tristesses se dissolvaient dans la danse. Les animaux sauvages lui obéissaient. Nous n’avons aucune preuve de tous ces faits, nous avons mieux : la légende.
Désespéré que ses prières ardentes ne fassent pas venir le messie, il se contentait d’accomplir sa mission auprès des hommes au service de Dieu ; souffrant d’être mis en lumière : « Tout ce que je sais, je l’ai appris autrefois, assis au dernier rang, près de l’âtre, loin des regards ; maintenant me voici assis à la place d’honneur et je ne comprends pas ». Il n’était pas sur terre pour comprendre mais pour répandre la joie, la prière et la danse mystique au cœur de la communauté juive qui se réveillait à son contact. Sa présence, sa légende aidaient à vivre.
Au moment de mourir en 1760, entouré ses deux enfants, Adèle et Zévi ainsi que de ses disciples, le Baal-Shem-Tov dit : « Pourquoi pleurez-vous ? Je sors par une porte pour rentrer par une autre ». On dit que deux horloges de sa maison s’arrêtèrent d’elles-mêmes quand il donna son dernier souffle.
Son fils raconte qu’après la mort de son père, il le vit sous la forme d’un volcan embrasé. Quand il lui demanda pourquoi il apparaissait sous cette forme, le Baal-Shem lui répondit : « C’est ainsi que j’ai servi Dieu »
Le hassidisme
Avant l’arrivée du Baal-Shem-Tov, il existait des confréries hassidiques très fermées qui réunissaient kabbalistes et savants réputés. Mais le hassidisme actuel, héritage du Baal-Shem-Tov est d’un genre différent. Il aborde les concepts kabbalistiques de telle manière qu’ils soient compréhensibles par le plus grand nombre. Mais surtout, il enseigne l’humilité, la joie, la danse, la crainte et l’amour de Dieu, l’étude des textes et la dimension sacrée de l’existence. Le rabbin a un rôle essentiel car il est l’intermédiaire entre l’homme et Dieu. Le Baal-Shem-Tov répétait : « Dieu demande le cœur ». Ainsi pour le hassidisme, pratiquer les rituels sans ferveur n’a aucun sens. Actuellement, l’un des plus célèbres groupes hassidiques est le mouvement Loubavitch qui ne cesse de rayonner à travers le monde, fidèle à cet aphorisme hassidique : « Il existe une faute dont les textes ne font pas un interdit mais qui peut rabaisser l’homme jusqu’au plus bas degré, c’est la tristesse »
Citations
« Dieu voit, Dieu regarde. Il est en toute chose. Et tout relève de Sa volonté. C’est Lui qui décide du nombre de fois que la feuille roulera dans la poussière avant que le vent ne l’emporte »
« L’homme qui se regarde ne peut que sombrer dans la mélancolie, mais dès qu’il ouvre les yeux sur la création autour de lui, il connaîtra la joie »
« Devant la lumière, la crainte humaine pose d’épaisses murailles »
« Hélas, hélas, le monde est tout plein de mystères grandioses et de lumières formidables, que l’homme se cache soi-même avec sa petite main »
« Si vraiment tu aimes Dieu, cela se reconnaît à ton amour des hommes »
Anecdote
Les disciples demandèrent au Baal-Shem comment reconnaître un vrai Tsaddik. Sa réponse fut : « Vous n’avez qu’à lui demander un conseil sur la façon de vous y prendre pour ne pas vous laisser distraire, pendant la prière et la méditation par les pensées étrangères. S’il vous donne un conseil alors vous saurez que c’est un homme de rien. Car telle est l’œuvre des hommes en ce monde, et jusqu’à l’heure de la mort, de se colleter avec les pensées étrangères une fois après l’autre, et une fois après l’autre, de les élever à la sphère du Nom Divin »
À lire
Célébrations hassidiques. Portraits et légendes. Elie Wiesel. Ed du Seuil. 1972
Petites étincelles de sagesse juive. Victor Malka. Ed Albin Michel. 2005
Récits hassidiques. Martin Buber.
Qu’est-ce que le hassidisme ? Haïm Nisembaum.